Jurassic Park, le film, a été mon premier choc cinématographique ! Ce fut la première fois que je sortais d’une salle obscure dans un état de transe. Il faut dire que toutes les conditions étaient réunies pour que ce film me marque durablement – le sujet du film, son côté spectaculaire, la musique de John Williams, mon jeune âge ! J’étais bien sûr fasciné par les dinosaures et l’histoire de la terre dès ma plus tendre enfance, et pendant de longues années, je souhaitais que ma vie future soit celle d’un paléontologue (non, je n’ai pas accompli ce rêve d’enfant). Alors forcément, ce film a eu un impact certain et il a fait de moi le dinosaure que je suis aujourd’hui ! Je m’attendais à ce que la source de ce film ait, à défaut d’un impact, du moins un côté plaisant qui me remplirait d’une douce nostalgie.
Car, 20 ans après avoir vu Jurassic Park pour la première fois, j’ai enfin l’occasion de comparer le film et le roman du même nom à partir duquel la substantifique moelle du film fut tirée, roman écrit par Michael Crichton (mon premier Crichton aussi). Mais là, patatras, tout s’est écroulé, point de nostalgie, point de béatitude. Il faut bien le dire, Jurassic Park, le livre, a été mon dernier choc littéraire, mais alors dans le mauvais sens du terme ! Je crois bien ne pas avoir lu de roman aussi mauvais depuis de très nombreuses années ! Je ne sais même pas par où commencer les critiques !
Peut-être que la première chose qui me vient à l’esprit avec le recul (une dizaine de jours de recul), c’est le manque total d’empathie de la part des protagonistes. Je pourrais insister sur le manque de charisme de chaque personnage, leur peu de crédibilité, leurs réactions incohérentes face aux événements contraires et légèrement traumatisants pour n’importe quel humain, mais c’est cette absence d’empathie qui m’a sauté aux yeux à chaque page que je parcourais. Comme si chaque personnage, conscient que ses compagnons n’avaient rien d’humain (non, je ne parle pourtant pas des dinosaures), choisissait la solution adéquate du je-m’en-foutisme ultime. « Tiens, un des mes collègues/responsable du parc vient de se faire dévorer par un tyrannosaure, et alors ? J’ai bien envie d’une glace moi… ». « Je m’appelle Lex, je suis une jeune gamine de 5/6 ans, caricature de la peste écervellée qui n’en a rien à foutre de rien, à commencer par tout ce qui peut arriver à mon grand frère, les « adultes » qui ont le malheur de m’avoir à leur charge, et peu importe que je sois témoin de scènes de carnages à base de tyrannosaures ou de vélociraptors. Ça ne me traumatise pas le moins du monde, et d’ailleurs, je ne ressens aucun danger, et je n’écoute pas les injonctions des adultes qui s’occupent de moi et qui essaient accessoirement de me tirer d’un mauvais pas ». Lex, c’est le personnage dont on souhaite la mort à chaque ligne. Souhaiter la mort d’une gamine dans un roman d’aventure, je ne sais pas si c’est moi, mais ça me donne l’impression que quelque chose cloche avec le personnage (si ce n’était que ce personnage…).
Les deinonychus vélociraptors, qui occupent le bon dernier tiers du livre, sont plus vicieux et plus intelligents que n’importe quel humain présent sur l’île, et ils prennent un malin plaisir à déverser à terre les entrailles du premier quidam venu (mais ils sont trop nuls pour régler son compte à Lex hélas…). Ce côté totalement diabolique devrait dissuader nos rares survivants de faire les malins. Et pourtant, vers la fin du bouquin, alors que par quelque miracle, nos « héros » se mettent à l’abri des coups de putes des raptors et consorts, Grant et Sattler décident qu’ils n’avaient franchement pas eu assez d’une centaine de montées d’adrénaline en l’espace de 24 heures, alors pourquoi ne pas dénicher les raptors dans leurs nids pour s’amuser à compter leurs œufs (une sous-intrigue dont je vous épargne le détail), chose qui ne servira à rien puisque de toute façon, l’armée rapplique pour passer l’île au Napalm, et la fin du bouquin soit dit en passant puisqu’en gros, ça finit comme ça. BOUM ! Sniff….
P.S. : tout n’est pas aussi négatif que ça, car grâce à ce traumatisme littéraire, le film devient pour moi un bijou d’adaptation et je saurai à jamais gré à Steven Spielberg d’avoir transformé une daube littéraire en un film largement potable, même privé de ses yeux d’enfants !