SpeedWriting #18 – Le viol des lucioles

Après des mois de silence, un nouveau Speedwriting, qui bien que dans un genre totalement différent de celui-ci, met encore à l’honneur un tapis rouge !

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Toute nue. Intégralement, sans fard, sans artifices, sans masque, voilà l’état dans lequel je me retrouve. Si affreuse que me paraisse cette situation, et Dieu sait que je ne l’ai jamais souhaitée, je me dois d’y faire face avec toute la dignité qui m’habite encore en cet instant. Toutes les années passées sous la coupe des plus grands maîtres Zen n’y pourraient pourtant rien, pas plus que ces heures à prendre la posture, ces centaines d’heures qui, toute rodée que je suis, m’ont plus que tout inspiré un profond dégoût de la pose. Et finalement, seul ce brin de dignité, que je ressens caché quelque part en moi, couvert malgré tout par cette enveloppe charnelle, m’aide à tenir. Je ne peux me retourner, et pourtant, je sais qu’à quelques dizaines de mètres derrière mon dos, le rugissement du moteur se fait entendre, les portes sont ouvertes, les vitres sur-teintées. Ne pourrais-je pas, au prix d’un retournement de situation inattendu, m’y glisser de nouveau, et me retrouver au calme, à l’abri des regards inquisiteurs, seule dans ce cocon de tôle. Mais est-ce bien ma voiture qui rugit de la sorte finalement ? Ne devrais-je pas plutôt m’attendre au calme et étrange ronronnement d’un de ces moteurs électriques dont mon agent m’a vanté les vertus, moi l’éternelle technophobe ? Je jurerais que c’est l’un d’entre eux qui m’a amenée ici. Ils sont tellement nombreux aux alentours ! Et rien que d’y penser fait ressurgir à la surface cette idée que je suis baignée d’une atmosphère malsaine, pleine de strasses et de crasse.

Tandis que je me perds en conjectures sur le devenir de mon carrosse et que je ne peux me résoudre à faire volte-face, un crépitement soudain m’aveugle. Une vague d’une violence inouïe. Sous la lumière crue des projecteurs, voilà que je me retrouve livrée à moi-même, prise dans un tourbillon soudain, seule face à une armée de lucioles dont je ne saisis pas les mouvements stratégiques. Elles se déplacent en troupeaux, vivent leur vie en l’espace d’une fraction de seconde et meurent avant même d’avoir pris conscience de la vacuité de leur existence au service d’une bataille dirigée contre un être plus imposant, plus prégnant. Un être tellement plus stagnant aussi. Seules, elles ne peuvent rien contre moi, mais à plusieurs, à force de coups de boutoirs répétés, l’une prenant la place de l’autre stoïquement tombée au combat, au tapis rouge, elles pourraient bien m’atteindre et m’anéantir. Et pour ne pas arranger ma situation, je fais manifestement du sur-place. Je ne sais depuis combien de temps dure mon ahurissement, peut-être tout ce fracas de vie et de mort ne se déroule que depuis quelques secondes, mais visiblement ce sont quelques secondes de trop, et je suis une cible facile. Leurs lumières m’aveuglent à l’envi et me dévoilent l’étendue de leur perfidie. Fière comme je sais l’être dans l’adversité, je me refuse à plier, et pourtant, c’est à force de résistance que je risque bien de me briser en un instant. Mes mains portées au niveau de mes hanches, je prends la pose malgré moi, et je m’expose à rompre, violer par des lucioles avides de mes charmes qu’elles ne consommeront finalement jamais, si ce n’est dans leur multitude. Déployer mes mains, tendre mes bras, saisir une luciole parmi ces milliers de points lumineux, la vaine et cruelle contre-attaque serait annihilée, invalidée par les partisans de la norme, qui après avoir reconnu le crime de guerre, me chargeraient du crime le plus odieux qui soit, celui d’avoir craché dans la soupe.

SpeedWriting #17 – Perché

« Déclame ton désarroi ! Vas-y de bon cœur ! »

Hugo, tout haut perché qu’il est, hésite. Vraisemblablement le goût des cimes ne lui réussit pas. C’est fâcheux car aussi loin que sa mémoire le porte, il n’a jamais été sujet aux vertiges, si ce n’est certains malheureux vertiges amoureux, relégués au rang de vestiges depuis fort longtemps…Peut-être tout cela est-il lié, imbriqué ? Pas plus tard qu’hier ils étaient en effet très liés, très imbriqués, de lubriques aventures pour un septième ciel avant l’heure. Il devrait être à son aise tout là haut.

Et pourtant, ce refrain, toujours, venu de plus bas:
« Déclame ton désarroi ! N’hésite pas ! Ne mets pas de sourdine sur tes sentiments ni sur tes actions. Ce n’est plus le moment. »

Hugo la regarde. Et la regarde à elle. Elle a raison, il a désormais été trop loin. Cette pale figuration ne restera pas sans éclat, qu’il en soit ainsi, qu’il en aille de son honneur. Hugo cligne des yeux. Cela lui fait tout de même peine, d’imaginer ces choses là, avec ce style ampoulé. Tout ça c’est de leurs fautes à elles. A elle et à elle. Trop de grandiloquence, trop d’effets, aucune mesure dans les sentiments, aucun garde-fou pour freiner leurs ardeurs. Où cela pourrait-il s’arrêter désormais ? Elle n’a pas de limites, et quant à elle, rien n’est moins sûr. Le visage perlant, branlant, perclus de crampes, Hugo entend toujours « déclame ton désarroi, déclame, déclame, n’hésite pas ». Déclame à ta reine pense Hugo – déclamer à ta reine ton désarroi, c’est en effet fort commode Hugo. Des arrhes Roi ! Ou plutôt, des arrhes ma reine. Je vous ai rendu bien des services, des plus glorieux aux plus avilissants, à seule fin de vous plaire, et d’y trouver par chance mon plaisir. Des arrhes, ma reine, pour services rendus !

Un brouillard épais s’est déposé tout près d’eux. Le malaise est palpable pour Hugo. Il ne supporte pas de les perdre de vue. Jamais, quoi qu’il advienne, il ne peut se permettre pareille faiblesse ! Il faut se rendre à l’évidence. Son esprit s’embrume certes, mais les alentours s’alourdissent d’une atmosphère pesante. Ses yeux ne peuvent percer la mélasse environnante. Détestable ! D’autant plus qu’il sent leurs regards perçants. Et cette voix, venue de plus bas, qui toujours cherche à le motiver, à l’encourager.  Cette pièce de théâtre n’a-t-elle pas assez durée ? Le rideau du temps est tombé, qui laisse les gouttes d’eau et les pensées en suspension et qui la laisse d’ailleurs tendue par un fil, au-dessus du vide, alors que plus personne ne peut voir ce spectacle. Et elle qui ne plonge certainement pas son regard vers l’abîme, mais vers Hugo. Elle ne le voit pas, mais elle sait qu’il est là – nous savons tous où tuer Hugo.

SpeedWriting #16 – A love letter

Cela fait une éternité que je n’ai pas publié de « speedwriting ». J’avoue que ces derniers temps, je travaille plutôt des poèmes (que je ne met même pas en ligne d’ailleurs ahem…), mais surtout, dès que j’ai vraiment un peu de temps et d’énergie, je travaille sur mon premier petit roman. Roman est un bien grand mot, et je doute d’arriver à le finir un jour au rythme auquel il avance ! Pour me changer un peu les idées, j’ai décidé il y a quelque jours de reprendre un ersatz de « lettre d’amour désespérée » écrite en partie, mais jamais finie, et bien sûr jamais envoyée. J’ai repris le corps de cette lettre, et je l’ai retravaillé à fond, en me mettant de nouveau dans la peau d’un amoureux ébranlé et désespéré (celui que j’étais il y a 3 ou 4 ans peut-être ? 😉 ). Je dois dire que c’était assez marrant (ça l’était moins à l’époque…). Cela permet de prendre beaucoup de recul sur la signification d’une relation amoureuse et de l’aveuglement qu’on peut subir. Honnêtement, en relisant cette lettre dans sa mouture final, j’ai envie de mettre des baffes à mon moi amoureux désespéré, mais je n’y ai pas été avec le dos de la cuillère il faut dire ! Et comme vous allez pouvoir le constater, cette lettre est longue, trop longue ! Il est temps que je fasse le ménage dans mes écrits et dans cette catégorie speedwriting que je garde par convenance mais qui n’a plus de speed que le nom.

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P.,

tu trouveras ci-joint une lettre, certes un peu longue, mais je te prie de la lire jusqu’au bout. Comme je te l’ai rappelé dans mon précédent message, pas mal de choses ont changé définitivement en ce qui me concerne. Pour faire clair avant que tu ne te plonges plus avant dans cette lettre : oui je t’aime toujours, non cette lettre n’est absolument pas là pour regagner ton amour, cette lettre est simplement là pour te faire comprendre qui je suis vraiment car tes remarques m’ont vraiment fait très mal et ça m’est insupportable que tu m’imagines tel que je ne suis pas. Que tu comprennes la personne que je suis est vraiment important pour moi car il n’y a que comme ça que tu pourras gagner mon amitié. Tu m’as dit vouloir être amie avec moi, alors je suis prêt à faire l’effort de passer de l’amour à l’amitié, mais seulement si j’ai l’assurance de la sincérité de ton investissement, car je t’avoue que ma confiance en toi et en ce que tu peux dire est plus qu’ébranlée désormais.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais clarifier les choses, cette lettre n’a rien de standard, tu n’en as jamais reçu des comme ça et tu n’en recevras sûrement plus jamais. Mais une chose est sûre, je n’ai jamais été aussi sûr de moi qu’avant de t’écrire cette lettre. Tout ce que je vais te signifier ne va peut-être pas te faire plaisir, mais pour éviter toute ambiguïté, je veux te rassurer et que tu me crois, je n’ai aucune colère en moi, je n’ai aucun ressentiments envers toi et je ne cherche sûrement pas à te faire culpabiliser à propos de quoi que ce soit. Mais tout ce qui s’est passé ces derniers mois, et tout ce que j’ai dû affronter a finalement était un grand mal pour un grand bien, qui m’a enfin permis de me trouver, mais je vais y revenir. Cette lettre est en tout cas l’occasion de t’exposer tous les changements qui se sont opérés en moi.

Je veux tout d’abord que tu saches que je ne t’oublie pas. Il n’y a sincèrement pas un jour où je n’ai pas pensé à toi, alors je n’allais certainement pas oublier ton anniversaire. Je sais que la barre fatidique des 21 ans a été passée le 31 mai mais je n’avais vraiment pas le cœur à te le souhaiter à ce moment là…J’imagine que tu les as fêtés comme il se doit. Cela fait quatre mois que je ne t’ai pas vue, trois mois que mes yeux ne se sont pas posés sur une photo de toi, mais pour cette occasion, je ne doute pas que tu es plus resplendissante que jamais ! Un joli brin de femme ! Je profite de cet événement tant qu’il est encore temps pour te souhaiter le meilleur pour tout ce qui t’attend !

J’en profite aussi pour te dire que j’ai bien réfléchi durant ces quatre mois, et je suis sûr d’une chose désormais, mon grain de folie, c’était toi, notre grain de folie, c’était notre relation tout simplement, car ça semblait fou d’entamer une telle relation, et pourtant on l’a fait, et c’est ce qui faisait qu’on était différent. La facilité aurait consisté à ne jamais se voir à partir du moment où l’on savait d’où chacun venait. Je ne te jette pas la pierre pour avoir pris peur, t’être dit que tout allait trop vite, que tout était trop compliqué à gérer, que tu avais peut-être la crainte de te marginaliser par rapport aux étudiants et amis qui t’entourent, mais je tiens à te faire savoir que je n’accepterai jamais les critiques que tu m’as faites, cruelles et humiliantes, et qui m’ont très profondément affecté.

Je sais qui je suis et ce dont je suis capable maintenant. Je suis clairement quelqu’un de très sensible, mais je pense être bien plus courageux et entreprenant dans tous les domaines que beaucoup de « têtes brûlées » vers lesquelles tu sembles attirée et auxquelles tu m’as en tout cas comparé. J’en suis fier, et je suis juste triste que tu ne l’aies pas vu et que tu t’en sois pris à moi via quelques paroles certes, mais suffisamment violentes pour me marquer durablement. Avoir l’idée de nous offrir un baptême en chute libre et de te ramener ta fameuse 4L, c’est ce que j’appelle avoir un grain de folie, sauter à poil dans le canal du midi en plein hiver, c’est ce que j’appelle avoir un grain de folie, entamer une descente chaussé de skis sur une piste couverte de bosses avec 10 minutes de ski dans les jambes de toute sa vie en tout et pour tout et se péter le genou par amour, c’est ce que j’appelle avoir un grain de folie. Le gars qui n’a aucun grain de folie a par ailleurs un qualificatif parmi ses vrais amis depuis de nombreuses années, à savoir le gars qui raconte un milliard de conneries à la minute, le gars qui n’a aucun grain de folie est capable de faire gober une histoire de voyages à poche de kangourou à travers le désert australien à la moitié de sa tablée pendant une bouffe, le gars qui n’a aucun grain de folie était considéré comme l’élève le plus dissipé de ses premières années de fac avec F. , qui comme tu as pu le voir à Paris est une fille vraiment super emmerdante, qui se prend très au sérieux et qui ne rigole pas du tout, c’est d’ailleurs sûrement pour cela que l’on faisait la paire à l’époque…

Tu veux savoir pourquoi je passais mon temps à te faire des remarques du style : « tu conduis un peu vite P. , fais attention, ne téléphone pas au volant P. « . J’avais une  connaissance à l’université qui s’est tuée en voiture. Tu comprendras que je n’avais pas forcément envie de t’en parler. Alors, oui, c’est le genre d’événements qui marque, d’autant plus que je retrouvais chez toi un peu de son comportement. Et personnellement, je n’avais aucune envie qu’il t’arrive quoi que ce soit. Le problème, et j’en suis persuadé sur cet exemple précis, c’est que tu me résumes à quelqu’un sans folie et sans caractère par ce genre de remarques que j’ai pu te faire, et que tu crois par exemple que je ne suis pas capable d’appuyer sur le champignon, que ce soit en voiture ou dans tout autre domaine. Appuyer sur une pédale d’accélérateur c’est facile P. , piloter c’est autre chose, et c’est par exemple ce que j’ai testé un temps, et je peux te dire que l’adrénaline que ça procure m’a bien plu, et que d’une certaine manière, ça me fait bien rigoler quand quelqu’un se croit tout fou parce qu’il accélère à 130 km/h sur une route limitée à 70 ou 50. Contrairement à ce que tu t’imagines, je déteste la routine, que ce soit au boulot ou dans ma vie privée, je suis tout le contraire du gars qui reste affalé dans son canapé à zapper de chaînes en chaînes tous les week-ends ou à jouer aux jeux vidéos sur son PC. J’aime tester des nouvelles choses, j’aime ces sensations, j’ai toujours eu envie d’aventures, sentir l’adrénaline monter en moi (si on se mettait au premier rang dans les montagnes russes d’un certain parc l’an dernier, ça n’était pas pour rien). Et c’est d’ailleurs bien pour ça que j’étais excité à l’idée de te ramener ta voiture et de te forcer à sauter dans le vide, histoire que l’on casse un peu cette petite routine dans laquelle on était, même si le mot routine me paraît ici très exagéré ! Et dans un registre plus privé qui nous concerne tous les deux, même quand on faisait l’amour, je n’avais qu’une envie, c’était à chaque fois d’aller plus loin, de tester davantage, en termes de plaisirs, de positions, de sensations, d’endurance, parce qu’à chaque fois que je faisais l’amour avec toi, c’était le pied total, par le plaisir que tu me procurais, par le plaisir que je te procurais, par ce moment unique et intense qu’on partageait tout simplement. Je voulais aller plus loin non pas par esprit de compétition car les autres, je n’en ai vraiment rien à foutre, je voulais aller plus loin car c’était avec toi un plaisir absolu et unique à 100% et parce que je savais que tu étais aussi dans cet état d’esprit et que tu étais comme moi sans tabous à ce niveau-là ! Pour quelqu’un qui n’a pas de grains de folies, c’est pourtant bien moi il me semble qui ai eu l’idée là aussi de tester des choses un peu plus originales, même si on n’a pas eu beaucoup de temps pour s’y consacrer…Même si je ne te l’ai pas dit, j’étais frustré tu sais que la plupart du temps où l’on se voyait, on ne pouvait pas totalement se lâcher car nous n’étions pas seuls. C’est d’ailleurs pour ça que mes moments préférés sont sans doute à ce niveau là ceux passées sur Lille en octobre, car c’est le seul moment où on pouvait totalement lâcher la bride tous les deux !! Et c’est aussi pour ça que j’avais hâte que l’on parte ensemble en vacances, que l’on puisse enfin s’éclater à deux dans tous les domaines. Des vrais vacances oui, car tu ne t’en ai peut-être pas rendu compte, mais indépendamment de ce qui s’est passé depuis février, j’ai depuis des mois une charge de travail énorme au boulot, je suis anémié comme jamais et en dépit d’une fatigue qui était déjà énorme, j’essayais pourtant de faire le maximum en dehors du boulot pour toi, pour moi, car je t’aimais tout simplement. Quand je venais te voir à Lille, c’était aussi un grand moment de repos pour moi, d’être dans tes bras tout simplement, d’être avec toi et tu n’imagines pas le bien que ça me faisait. Non, je n’allais pas passer mon temps à me plaindre non plus de ma fatigue, mais de toute façon, je ne crois même pas que tu l’aies vraiment vu.

Donc, non je n’accepte pas ces critiques, que tu m’as présentées, même si ça n’était pas ton intention et que ça n’a duré qu’un instant, avec un ton de mépris dans ta voix et dans ton regard que je n’avais jamais entendu et vu jusque-là. Et venant de quelqu’un d’un naturel si doux que toi, ça fait un choc, je peux te l’assurer. Mon problème, c’est que j’avais toujours manqué de confiance en moi. Je pouvais faire un truc dingue, je me disais un jour après que tout le monde pouvait le faire, et deux jours après j’avais oublié que je l’avais fait. La fille que j’aime le plus au monde me balance soudainement des critiques et se permet de me juger du jour au lendemain et je me dis qu’elle doit avoir raison (en gros ça disait pour résumer tout ce que tu m’as dit quand je suis arrivé à Lille : j’ai passé 6 mois au chevet d’une malade, et maintenant que tu vas bien, tu n’as plus besoin de moi…tu t’es clairement exprimée de manière maladroite, mais dans le genre je prends, j’utilise, je jette, tu ne pouvais pas faire pire, et quand je te dis que je me sentais totalement humilié et moins que rien, c’est la vérité, car vu la froideur avec laquelle tu m’avais dit ces choses, je me disais que je pouvais exister ou ne pas exister, tu n’en avais strictement rien à faire). Je ne sais pas si tu as vraiment réfléchi à l’impact que ça pouvait avoir à ce moment-là sur moi, mais comprends combien c’est cruel de s’entendre dire « tu es très bien quand je vais mal, mais quand j’irai bien, j’aurai besoin d’autre chose ». Ce genre de phrase ne revient pas à dire, tu ne me conviens pas, ça revient à dire, tu ne me mérites pas (ou pour reprendre à mon compte une de tes tournures du mail où tu m’en mettais plein la gueule : je n’étais pas assez bien pour madame). Voilà ce que j’ai ressenti en cet instant. Voilà pourtant ce que tu m’as dit quasiment mot pour mot, pleine de dédain, voilà ce qui m’a tant affecté et qui m’a fait penser que tu t’étais juste servie de moi pour t’amuser. Et quand on se prend ce genre de phrases en pleine figure, on se dit qu’on est nul, ringard, à côté de la plaque, qu’on est bon qu’à servir aux gens et qu’au final je n’ai jamais été rien de plus qu’une roue de secours temporaire pour toi.

A ce stade de ta lecture, je tiens à te préciser de nouveau que je n’ai ni colère ni rancune envers toi, mais comme tu vas le voir à la suite de ta lecture, certaines choses ont changé en moi. J’ai cru un moment que j’avais eu le tort de ne pas te parler de toutes ces choses et de bien d’autres encore, mais je ne regrette rien. Car je pense qu’à partir du moment où on aime quelqu’un, on ne juge pas, on ne compare pas. Aimer quelqu’un, c’est clairement une folie aussi, écrire une lettre en sachant pertinemment qu’elle risque d’être mal interprétée, c’est une folie aussi. Mais jusqu’à preuve du contraire, on n’a qu’une vie P. . Au vu de tout ce que tu as pu me dire, j’ai l’impression que tu m’as perçu comme quelqu’un de transparent et sans caractère et même si je sais pertinemment que ce n’était absolument pas ton intention, les remarques que tu m’as faites étaient pleines de mépris pour ma personne. Et je me dis que si toi, qui es clairement une des filles les plus naturellement gentilles et douces que j’ai pu rencontrer, manifeste, même inconsciemment, ce genre de sentiments à mon égard, c’est que le problème vient aussi de moi. J’ai trop longtemps été trop gentil avec tout le monde, trop longtemps j’ai été sur la réserve, trop longtemps j’ai voulu que tout soit parfait, trop longtemps j’ai aidé les autres sans rien demander en retour, alors désormais j’ouvre ma gueule, maintenant j’écris et je continue ma lettre car je suis tout le contraire de ce que tu penses P. . Quand je te l’ai dit à Lille, je n’en étais pas totalement persuadé, maintenant j’en suis absolument certain.

Oui, comme je te l’ai dit dans mon texto début mai, je t’aime toujours P. , je n’ai plus peur de te le dire, je ne suis pas désolé de t’aimer car c’est beau d’aimer, je ne suis pas désolé de te dire ça dans cette lettre après trois mois de break qui m’ont paru une éternité, trois mois durant lesquels tellement de choses se sont passées et où j’aurais tellement eu besoin de toi pour me soutenir dans certains moments plus que très difficiles et qui m’ont demandé beaucoup de courage, ou pour partager durant certains événements joyeux. J’ai été pris dans un tourbillon depuis la mi-février, une détresse psychologique que je n’avais jamais connue et dont je croyais ne jamais pouvoir sortir. Ton comportement à mon égard, le fait d’être blessé par la fille que j’aime a eu pourtant un mérite, celui de provoquer l’électrochoc dont j’avais grandement besoin depuis bien longtemps. Et voilà, je t’aime, c’est la réalité de mes sentiments pour toi. Ce n’est pas l’obsession du premier amour ou le fait de ne pas vouloir tourner la page qui me fait dire ça, c’est juste que je suis en paix avec moi-même maintenant, c’est bien la seule mais non moins grande différence avec le Guillaume que tu as connu, et je sais que je t’aime et que contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas celui que tu t’imagines, et je sais que j’ai énormément de choses à t’apporter.

J’ai bien conscience que cette lettre n’a rien de très réjouissante. Mais je considère que ce qui s’est passé ces derniers mois est loin d’être anodin et n’est certainement pas un jeu, et que mes sentiments pour toi sont bien trop importants pour rester dans le « politiquement correct ». Rassure toi, je te le répète, je n’ai pas de colère en moi, je n’en déverse pas en écrivant ces mots ou en pensant à toi. Je me sens plutôt bien même. Je ressens juste quelque chose d’unique en pensant à toi. Je voulais juste que tu le saches. Le fait d’avoir pris conscience de qui j’étais fait évidemment que cette lettre a sans doute un ton beaucoup plus résolu que tout ce que j’ai pu t’écrire jusqu’à présent. L’image est un peu caricaturale, mais disons que quand je t’ai connue, j’étais encore un gamin à beaucoup de niveaux (d’où toutes ces peurs et ce manque de confiance en moi), et depuis quelques temps, je ne ressens plus de peur. Il y a clairement eu un avant et un après. Je me sens sûr de moi et sûr de ce que je ressens pour toi, je me sens moi tout simplement, pour la première fois depuis bien longtemps et ça change tout, à tous les niveaux, pour moi et pour les personnes qui me sont proches. J’ai passé les quatre derniers mois à être actif quasiment 24h sur 24 à cause du boulot, du travail sur moi-même, à chercher qui j’étais réellement, à comprendre ce dont j’étais réellement capable, des loisirs aussi, de ce que je pensais réellement de toi et de notre relation. Autant te le dire franchement, tu es passée par tous les stades dans ma tête, de la fille la plus merveilleuse qui soit à la fille la plus superficielle et cruelle que j’ai pu connaître. Je crois qu’en me recentrant sur moi-même, je n’ai jamais aussi bien observé l’extérieur. Et notamment les filles. Là où tu disais que j’avais des œillères, je te répondrai que j’avais surtout de la clairvoyance. La clairvoyance de mesurer toutes les qualités de la personne à qui j’avais donné mon amour.

Je vais te le dire clairement, ça me fait chier, ça me fait chier de perdre ton amour pour des conneries, ça me fait chier de t’entendre parler d’amitié du jour au lendemain comme si rien ne s’était jamais passé, ça me fait encore plus chier de te laisser un jour partir dans les bras d’un autre pour de biens mauvaises raisons, ça me fait immensément chier de te laisser partir dans les bras d’un gars qui ne te méritera pas et ça me fait  chier que tu aies rompue avec moi non pas pour des incompatibilités d’humeur, non pas pour des mésententes, non pas pour des disputes ou quoi que ce soit de ce genre, mais parce que tu t’es dit d’un coup, Guillaume en fait il est bien gentil mais il est comme ça.

Contrairement à ce que tu pourrais penser, le but de cette réflexion n’est pas de te prouver à tout prix par A+B que tu as eu tort sur moi, mais tu m’as titillé sur un point particulièrement sensible chez moi, tu as fait la chose que pour ma part je déteste le plus chez une personne, tu m’as jugé, sur des bases complètement caduques, tu m’as dit, Guillaume, en fait, tu es ceci, tu es cela et tu m’as méprisé. Plus jamais je ne laisserai quelqu’un me juger P. , plus jamais je ne laisserai quelqu’un me faire du mal comme tu m’en as fait. Non, P. , je ne suis pas celui que tu penses. Non, je ne t’en veux pas car je pense que le mal que tu m’as fait été involontaire, mais ne pas t’en vouloir ne veut pas dire que j’oublie le mal que tu m’as fait qui est bien réel et qu’il va cicatriser comme par magie. Et le mal que tu m’as fait ne m’empêche pas de t’aimer. Aimer, c’est pardonner aussi. Aimer, c’est voir plus loin que le bout de son nez, c’est accepter les erreurs de l’autre, ses défauts et ses qualités. Aimer, ce n’est pas facile, je le conçois. Mais dans ce cas-là, si on n’est pas prêt à aimer quelqu’un, si on n’est pas prêt à faire certains sacrifices, on ne dit pas pendant 6 mois jour après jour à quelqu’un qu’on l’aime car il n’y a rien de plus cruel (et là ce n’est pas un reproche que je te fais, c’est un conseil que je te donne pour l’avenir, peut-être que tu trouves ça bizarre, mais pour moi, dans le monde égoïste et pourri dans lequel on vit, les sentiments sont trop importants pour être pris à la légère). Et quand on aime quelqu’un, aussi bizarre que ça puisse paraître, et bien, on persévère, on s’accroche quand on voit au-delà de l’idéalisation de la personne qu’on s’était faite. Je t’avais sans doute idéalisée, et je t’ai aimé pour ça. Je ne t’idéalise plus du tout P., et tu vois, malgré ma confiance en toi qui s’est plus qu’effilochée, ça ne m’empêche pas de t’aimer. Comme je te le disais P., on n’a qu’une vie. Le hasard m’a mis sur ta route, le hasard a voulu que ce soit la personne que je suspectais le moins de me faire du mal qui m’en fasse le plus, le hasard a voulu que par la même occasion, je remette enfin tout à plat et que j’ai ce déclic que j’attendais depuis longtemps. Contrairement à ce que tu as pu penser, j’ai toujours parlé de toi avec fierté à tout le monde, qu’il s’agisse de ma famille ou de mes amis, je n’ai jamais eu honte de toi, je ne t’ai jamais prise de haut, je ne t’ai jamais méprisée ou jugée. Et ça ne changera jamais. Une chose a changé cependant, je t’avais toujours ménagée jusque-là, même durant notre dernière semaine ensemble à Lille où je me suis comporté de manière bien naïve et où je te cherchais toutes les excuses possibles pour le comportement que tu avais eu et les phrases malheureuses que tu avais prononcées. Non, je ne te ménagerai plus jamais P., je ne ménagerai plus jamais personne si j’estime que je n’ai pas à ménager les gens, car ce n’est pas rendre service aux gens et ce n’est pas se rendre service que d’être trop gentil. J’ai bien conscience de ne pas te ménager dans cette lettre qui est sûrement la pire des lettres que tu as pu recevoir. Pourtant, comme je te l’ai déjà dit, je n’ai pas de colère ou de ressentiments envers toi. Mais je te dis les choses telles qu’elles sont, je te dis les choses d’une manière plus directe car je ne suis plus vraiment le même sous certains aspects désormais. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne te ménage pas car je t’aime, mais je ne suis pas dans ta tête P., toi seule peux faire l’effort de comprendre mon point de vue. La grande différence avec l’ancien Guillaume, c’est que je ne ressens aucune culpabilité à t’envoyer cette lettre. Je ne me dis plus « je vais lui faire du mal, elle va mal le prendre ». Non, je t’ai plusieurs fois dit dans cette lettre que je n’avais pas de colère envers toi, et c’est la vérité. Je ne cherche pas à te faire du mal. Je ne pense pas te critiquer autrement que par le fait de souligner le mal involontaire que tu m’as fait, ce que je ne considère même pas comme une critique, mais comme un fait. Cette lettre, ce sont les mots d’un amoureux, du véritable amour que j’ai pour toi. Avec toi, je peux parler de tout et de rien, avec toi je peux rigoler, pleurer, me confier. J’aime entendre ta voix, j’aime ton rire, ton sourire, ton regard. J’aime ton humour, ton fort caractère, le fait que tu ne te prennes pas au sérieux. J’aime te masser et faire l’amour avec toi. J’aime te prendre par la main et me promener avec toi. Je sais cependant que l’on n’a pas la même sensibilité, la même façon de gérer nos émotions. Si c’était toi qui avait fondu en larmes sur mon épaule, j’aurais pleuré avec toi, que ce soit le nouveau ou l’ancien Guillaume. Mais comme je te le disais, on n’a qu’une vie P., comme je te le disais, être sensible ne veut pas dire ne pas « en avoir dans le pantalon ». On n’a qu’une vie P., et je te dis tout ça car je pense effectivement que tu te trompes sur moi, et que j’y suis indéniablement pour quelque chose.

Au cours de ces dernières années, j’ai eu l’occasion de rencontrer certaines filles, des filles qui avaient de manière « évidente » tout pour me convenir, car elles avaient énormément de points communs avec moi, par exemple en ce qui concerne l’écriture, le cinéma et ce côté sage et sérieux que je dégage au premier abord. Pourtant, jamais je n’ai éprouvé la moindre envie d’aller plus loin avec ce type de filles. Au fond de moi, je pense que j’ai toujours su qui j’étais, mais j’ai toujours eu peur de le montrer. Et j’en arrive au point qui m’a toujours agacé, et que je n’avais jusqu’à présent évoqué qu’avec mes parents ou quelques proches amis. Selon tes goûts, les études que tu as faites, le comportement général que tu peux avoir en société, on te range dans une case, on te colle une étiquette et on te dit, toi tu es comme ça, tu as telle personnalité, tu ne seras capable de faire que telle ou telle chose dans ta vie, point. Ce que je vais te dire est assez paradoxal a priori, mais je comprends cette attitude. Car d’une part la plupart des gens ne font jamais l’effort d’aller voir plus loin, et d’autre part, la plupart des gens ne sont effectivement pas excessivement complexes dans leurs attitudes. Durant toutes mes études, je ne crois pas avoir rencontré une seule personne qui aimait écrire, et bien peu qui aimaient lire. En revanche, j’en ai rencontré des tas qui détestaient lire et tout ce qui à trait à la littérature ou aux arts en général. Et pourquoi ? Parce que dans la tête de la plupart des gens, études scientifiques implique rejet de la littérature. Et si tu dis aux gens que tu aimes lire et écrire, ils t’imaginent de suite ultra casanier, assis bien au chaud chaque week-end dans ton canapé. Ce qui à mon grand désespoir n’est pas du tout mon cas encore une fois. Quand on t’imagine sage et sérieux, on s’étonne quand tu es l’un des rares à oser ouvrir ta gueule en amphi devant les profs quand quelque chose te déplaît et l’on s’étonne encore plus quand on ose traiter un prof de gâteux juste devant le prof en question. Je pense avoir eu la chance d’avoir été élevé par des parents qui ont toujours été curieux de tout, qui n’ont jamais eu d’a priori sur les gens et qui m’ont toujours appris à ne pas juger les personnes sur les apparences. Et surtout, mes parents m’ont toujours appris à être moi-même par-dessus tout, peu importe les clichés, les regards et la pression que les gens et la société en général portent sur toi. Comme tu peux le constater, ça reste beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Et j’en ai beaucoup souffert, notamment durant ma vingtaine naissante. C’est extrêmement difficile de rester soi-même quand on te force à rentrer dans un moule. Pourtant je suis fier de ce que j’ai fait, je suis fier de la personne que je suis désormais, je suis fier de mes choix, de ma famille, de mes amis et de mes amours.

Peu importe au final ce que tu penses en lisant cette lettre, je veux que tu prennes le temps de réfléchir. Car même si je t’ai dit que je t’aimais dans cette lettre, car c’est mon sentiment pour toi, je sais très bien que ce n’est pas ton cas et au final le but de cette lettre n’est pas de regagner ton amour. Le but de cette lettre est de savoir si cela vaut la peine que j’essaie de faire l’effort d’être ton ami. Je m’explique ! Crois-tu que tu m’as totalement mis à nu ? Crois-tu vraiment que je n’ai rien à t’apporter. Ne suis-je plus qu’une contrainte pour toi, qui t’empêche de vivre, de respirer, de faire ce que tu as envie de faire ? Je te dis ça car c’est vraiment l’impression générale qui est ressortie de tous les arguments que tu m’as donné et qui m’a humilié encore plus. Tout d’un coup j’étais trop vieux, tout d’un coup j’étais ringard pour toi, tout d’un coup j’allais te demander en mariage et t’empêcher de mener ta vie d’étudiante…Tout d’un coup j’ai eu l’impression de n’être qu’une tache dont tu avais honte. Tu sais, je ne suis pas une sous-merde à côté de tes amis, et je pense valoir bien plus qu’eux à beaucoup de niveaux. L’amitié, c’est quelque chose que je prends autant au sérieux que l’amour. Quand tu me dis du jour au lendemain que tu n’a plus de sentiments amoureux, c’est ton droit, mais comprends que j’ai des réserves à te donner mon amitié désormais. Oui, je suis toujours amoureux, oui il y a peut-être des milliards de filles sur Terre mais il n’y en qu’une avec qui je me sens en symbiose, et dans les moments heureux et malheureux que j’ai traversés ces derniers temps, il ne me manquait qu’une personne et c’était toi. Mais je suis prêt à croire que P. l’amie m’aurait convenue dans ces moments-là aussi. Donc, oui, je veux que tu réfléchisses. On croit toujours que l’herbe du voisin est toujours plus verte P.. Ce sont des conneries ! Maintenant que je sais absolument qui je suis, je sais que j’aurais pu te rendre heureuse à tous les niveaux ! Qui je suis ? Difficile de répondre en une seule phrase. Mais maintenant que je vois clair sur mon parcours, mes choix et ma personnalité et tout le cheminement qui m’a amené à écrire cette lettre, je sais que je suis sûrement la personne la moins conventionnelle que tu aies pu rencontrer. La personne la plus passionnée aussi. La personne la plus à fleur de peau sans doute. La personne qui ressent les gens quasiment instantanément. Ce que j’ai senti avec toi depuis le début me fait dire que non je ne me trompe pas. Je ne te dis pas que ça va être facile. Pourtant, il s’agit de l’instant où il faut laisser la folie s’emparer de soi justement. Pense ce que tu veux de moi P., que je suis égoïste, que je suis dingue, que je suis immature, que je suis fleur bleue, que je suis une tête de mule, ça m’est égal ! Je veux que tu réfléchisses. Avant toute chose, et ça résumera assez bien cette lettre au long cours, je veux que tu prennes le temps de réfléchir et de comprendre au moins que tu t’es plantée sur moi. Ce n’est la faute de personne, c’est juste une conjonction d’éléments, ta situation actuelle, la situation et le manque de confiance dans lequel j’étais lorsque l’on s’est rencontré, la distance. Toutes ces choses réunies ont fait que tu en es arrivée à porter un jugement totalement erroné sur moi, et quant à moi ça m’a permis de comprendre qui j’étais vraiment. Penses-tu sincèrement que tu t’es trompée sur moi ? Car si un jour notre relation doit se transformer en amitié, cela ne sera possible de mon côté que si tu comprends vraiment la personne que je suis et ce que je vaux car je ne peux en aucun cas être ami avec quelqu’un qui pense que je suis comme tu m’as décrit la dernière fois que l’on s’est vu. Je ne comprends même pas comment tu peux vouloir être ami avec ce fameux gars emmerdant et sans grains de folie que tu m’as généreusement dépeint dans cette voiture. Non, je ne suis pas un faire-valoir, non, je ne suis pas l’ami qui est là juste pour te dire que tu dois avoir confiance en tes capacités ou que tu dois prendre tel ou tel décision, je ne suis pas le gars présent pour t’aider à réparer ton PC, rédiger tes rapports, tes CV et te donner trois conseils en anglais et je ne suis pas non plus le gars sans caractère et sans folie que tu t’aies imaginé. Je n’ai pas envie d’être le gars à qui tu pourras parler quand tu auras un souci et que tu oublieras pour aller t’éclater car dans ce cas-là, tu es juste au plus bas niveau de mon estime. Je pense au contraire que je suis quelqu’un de très bien, d’original, déstabilisant peut-être par ce côté très sérieux que je peux avoir par moment et complètement fou et décalé à d’autres moments. Je ne suis pas le plus beau, je ne suis pas le plus intelligent, je ne suis pas le plus drôle, je ne suis pas le plus musclé ou le plus téméraire, mais au final, je suis fier de moi car je suis une personne riche, qui ne se mets pas de barrières, qui n’essaie pas de rentrer dans un moule particulier et dans les clichés parce que ça fait bien et qu’on a l’approbation d’un groupe, et qui essaie toujours de s’améliorer dans tous les domaines, d’être curieux de tout, qui n’a pas d’a priori, qui essaie d’aller de l’avant et qui surtout est sincère dans ses sentiments. Je suis fier d’être moi car je ne suis pas une personne commune. Il y a une différence entre exprimer des envies et les réaliser P.. Je ne t’ai quasiment jamais parlé de faire un grand voyage autour du monde, et pourtant je sais qu’un jour je le ferai. Beaucoup de personnes à la vingtaine se disent qu’elles vont le faire, qu’elles sont super téméraires et différentes des autres, et pourtant je suis sûr que parmi ces gens, quasiment aucun ne le fera. Tu doutais de ma capacité à voyager autour du monde et tu me l’as sorti comme un argument (parmi tant d’autres) pour me plaquer. Je te le dis aujourd’hui à toi P.. J’aurai fait 3 fois le tour du monde que tu n’auras pas décollé de Lille. Être beau parleur, grande gueule et se donner un genre, ça n’a jamais été mon truc P.. Et ça ne le sera jamais. Parler c’est facile, ça n’engage à rien. Agir c’est autre chose. Je suis loin d’être la personne que tu as imaginé P. , vraiment très loin. Et pourtant, personne ne m’avait autant pourri que tu ne l’as fait dans cette voiture en 10 minutes. Du coup, c’est grâce à toi que je suis enfin sorti de ma bulle, mais je peux te dire que ces 10 minutes, je m’en rappellerai toute ma vie. Tout cela s’est fait d’une manière plutôt violente mais au final je me dis qu’il n’y avait pas d’autres solutions. Amour ou amie, tu dois savoir qui je suis vraiment, c’est le plus important pour moi, car même si ça me brise le cœur, je ne suis pas prêt à rester en contact avec toi si tu penses vraiment que ma personnalité se résume à ce que tu m’as dit dans cette voiture. Mes amis ne m’ont jamais jugé, mes amis ont toujours su qui j’étais au fond de moi et ils n’attendaient qu’une chose, c’est que je sois enfin moi à 100%. Si j’y suis quasiment arrivé, il ne me reste pour ainsi dire qu’à déterminer le futur de notre relation. Passer de l’amour à l’amitié ce n’est pas évident P.. Mais je suis prêt désormais à faire cet effort, je suis prêt à être un ami sincère et toujours là pour toi. Mais encore faut-il que tu crois en moi et que je puisse te faire à nouveau confiance car cette dernière a été plus qu’ébranlée par des « je t’aime fort mon doudou » qui se sont transformés en quelques jours en des « je n’en ai rien à foutre que tu sois à côté de moi ». Et si tu peux compter sur moi, pourrai-je compter sur toi ? Voilà les questions auxquels tu dois trouver les réponses si tu accordes de l’importance à notre relation. Si tu avais cru en moi il y a quelques mois, ce jour d’anniversaire aurait peut-être été le jour où tu aurais compris mon grain de folie. Voilà le genre de moments que j’attendais pour te montrer ce dont j’étais capable. Penser que tu m’imagines tel que tu m’as décrit dans cette voiture est sûrement la dernière chose à laquelle je m’attendais de ta part je t’avoue. Je m’attendais à ce que tu me sortes tout sauf ça. C’est, comme tu l’auras compris, ce qui m’a fait le plus mal. C’était pire qu’un coup de poignard dans le dos. Venant d’une personne extérieur je n’en aurais rien eu à faire, venant d’un ami, je n’aurais pas apprécié du tout et j’aurais vite remis les choses au clair, mais venant de la personne à qui j’avais donné toute ma confiance, c’était trop dur à encaisser pour moi, beaucoup trop dur. Mets de côté toutes ces lettres envoyés, tous ces textos, mails et dernières conversations que l’on a eus, car si c’était moi, si c’était sincère, ce n’était pas moi dans mon entière personnalité. Ce mot en revanche conclu vraiment ce que j’ai à te dire. C’est la première lettre que j’écris en me rendant compte de qui je suis vraiment. Je crois enfin en moi, et je crois que tu peux aussi croire en moi. Les cartes sont désormais dans tes mains P.. J’ai perdu ton amour car je n’ai semble-t-il pas réussi à te prouver que j’avais en moi tel ou tel trait de caractère. Si je compte pour toi, à toi de gagner mon amitié en me montrant que tu m’as réellement compris et que tu es digne de confiance. Car de mon côté, tu sais que tu n’as aucune crainte à avoir, mon amitié sera aussi sincère que l’a été mon amour pour toi si j’ai la certitude que c’est ton cas. L’amour demande un investissement qui vient naturellement lorsque l’on s’aime. L’amitié, pour moi, c’est pareil. C’est un investissement, qui vient naturellement lorsque l’on considère que l’on peut faire confiance à quelqu’un. Notre histoire a commencé par 6 mois que je considère comme une des plus belles périodes de ma vie, une véritable parenthèse enchantée où je n’avais qu’une envie, c’était d’être avec toi. Cette période enchantée est définitivement révolue. Je suis prêt à essayer d’en vivre une nouvelle. En as-tu l’envie ? Es-tu prêtes à regagner ma confiance ? Je ne te cache pas qu’il y aura du boulot de ton côté. A toi de suivre ton instinct. Mon amitié est à ce prix désormais. Tu m’as dit être à l’écoute, c’est l’occasion ou jamais de me le montrer.

Speedwriting #15 – La malle, mode d’emploi

– un Picsou Magazine Hors Série intitulé « La Jeunesse De Picsou ». La couverture cartonnée, complètement déchirée sur toute sa longueur – peut-être à force de l’avoir trop pliée – a été maladroitement scotchée. Pour une bande-dessinée d’enfant, hormis ce défaut de couverture, le reste des pages est totalement intact. Pas de pliures, de traces de crayons. Les pages ont d’ailleurs très peu jaunies. La preuve que son propriétaire était particulièrement soigneux ?

– une balle de baseball de la marque Rawlings, et made in China. Juste au-dessus de l’inscription Rawlings on distingue une écriture d’enfant au feutre noir à moitié effacée, où l’on vient lire Alex Rodriguez entouré d’un cœur. Ce nom ne m’évoque aucun personnage connu, mais je n’y connais de toute façon strictement rien en matière de Baseball à supposer qu’il s’agisse bien d’un joueur de ce sport.

– emballées dans un essuie-tout, 5 dents (de lait ?) dont l’une est cassée en deux et une autre fendillée sur tout la largeur ainsi qu’une pièce de 5 francs datée de 1979. La face de la pièce a légèrement noirci.

– un poster d’Audrey Hepburn (de dimensions 100 cm fois 60 cm). Une fois n’est pas coutume, quand on déplie le poster, ce n’est pas une jeune et pimpante Audrey que l’on a face à soi, mais le visage d’une Audrey vieillissante, toujours souriante certes, mais l’expression fatiguée dont les rides n’entament en rien la beauté. La photo a vraisemblablement été prise dans les années 80. Le photographe a capturé son image à pleine ouverture à l’aide d’une focale du genre 85 mm. Le bokeh en arrière-plan ne permet pas de distinguer autre chose qu’un vague flou vert. Sur la face arrière du poster, on distingue quatre points jaunes répartis uniformément dans les coins ainsi qu’un point au centre, sans doute les vestiges d’une gomme du type patafix.

– deux médailles en forme de croix portant l’inscription République Française et l’image de la semeuse en son centre. Les deux médailles ont l’air en tous points identiques si ce n’est que l’une d’entre elles est reliée à un petit ruban rouge. Des médailles de guerre ?

– un « diplôme » Prix de la Résistance et de la Déportation daté de 1993. Le diplôme, inséré dans une pochette plastique totalement transparente, est au nom de Guillaume M. En retournant la pochette plastique, on aperçoit un morceau de papier journal découpé à la main et qui s’est glissé là volontairement au vu de son contenu : une petite image en noir et blanc de très mauvaise qualité représentant une quinzaine d’adolescents sur une estrade, serrés les uns à côtés des autres. La photo porte la légende suivante : « Lauréats du concours départemental de la Résistance et de la Déportation 1993, de gauche à droite: Laura V, Florian S, Guillaume M, Pierre T, Marion T, Céli. » Et là la mauvaise découpe du papier journal ne permet pas d’en lire davantage.

– une feuille blanche pliée en 4. Une fois dépliée, elle révèle les tentatives d’un apprenti calligraphe. Il devait utiliser un pinceau ou un feutre adapté à ce genre d’exercices car le motif (répété à l’envi sur l’ensemble de la feuille) est dessiné avec de multiples variations d’épaisseur du trait. Ma connaissance très basique du Japonais me permet de déchiffrer (a priori) le kanji suivant : 本, prononcé « hon », ce qui signifie livre.

– un bouquin intitulé « Enfances et mort de GARCIA LORCA » aux éditions du Seuil. En feuilletant le bouquin, on y découvre de nombreuses annotations ainsi qu’un petit marque page qui s’était perdu page 88 où l’on peut lire difficilement « Laco et Dalí La Resi » (l’encre a coulé).

– une clé USB de 128 Mo de la marque Kingston. Elle a l’air intact de l’extérieur, mais il faudra la brancher à mon PC pour voir si elle est totalement vide ou bien si des données ont été conservées en mémoire.

Voilà un petit inventaire des affaires que j’ai pu trouver au hasard dans cette malle. Pour ma part, je l’aurais laissée au vide-grenier mais Célestine tenait absolument à récupérer cette malle et aucune autre, et quand elle a vu qu’elle n’était pas vide, bien loin d’elle le souhait d’abandonner son idée, elle s’est dit que c’était l’occasion de fouiller dans les souvenirs empilés en vrac d’autres personnes.

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Ce petit speedwriting est avant tout un clin d’œil à Perec et son célèbre chef-d’œuvre « La vie, Mode d’emploi ». C’est en lisant le petit hommage (bien meilleur) qu’en a fait David Madore que je me suis pris au jeu de faire le mien.

Speedwriting #14 – A much needed meeting

Tu ne sais jamais vraiment à quoi t’attendre dans ces cas-là. Et ce n’est généralement pas bon signe. Tu te demandes même pourquoi tu as entrepris cette démarche totalement saugrenue.

Cependant, il lui fallait avoir le cœur un peu plus net, et l’esprit un peu plus apaisé. En ce qui le concernait, l’un ne pouvait plus fonctionner sans l’autre, c’était une certitude. Quand il s’est décidé à aller au bout de sa démarche, il savait qu’on le prendrait pour un fou. Ce « on » qui inclurait amis, famille, connaissances – et les « ex », cela va de soi. Alors il a choisi de n’évoquer la logique de sa démarche et sa nécessité absolue qu’à la seule personne en qui il avait totalement confiance, Emmanuelle, sa meilleure amie. En règle générale, il n’aimait pas classer ses amis proches dans des cases du type premier meilleur ami, second meilleur ami, première meilleure amie. Cela n’avait pas de sens. Chacune de ces personnes l’appréciait et il les appréciait tout autant pour plein de raisons diverses et variées. Mais Emmanuelle, d’une part en sa qualité de plus vieille amie de son cercle, et d’autre part en sa qualité de confidente naturelle, apparaissait comme un choix évident et sensé. Il savait qu’une fois qu’il lui aurait évoqué son projet, elle ne le jugerait pas. Elle ne le traiterait pas de fou, d’imbécile, de doux rêveur. A tout le moins elle tenterait d’avoir la conviction qu’il a les épaules assez solides, que c’est un projet qu’il veut mener à son terme et non pas une simple lubie qui lui passerait au fil du temps et des mois qui s’écouleraient – ce détail n’étant pas négligeable, vu qu’il faudrait certainement utiliser le mois comme ordre de grandeur, afin de définir l’intervalle qui séparerait cette première discussion et l’instant de vérité.

Connais-tu réellement tes amis ? Peux-tu totalement leur faire confiance ? Peux-tu entièrement faire confiance à l’Ami que tu juges le plus à même de faire la preuve de ses qualités de compréhension ? Leur comportement est-il aussi prédictif que tu l’espères ? Rien n’est moins sûr. Sinon, pourquoi aurais-tu rejoué cette scène dans ton esprit des centaines et encore des centaines de fois, cette scène qui se déroulait à chaque fois de manière différente ? Pourquoi rejouer cette scène ad nauseam, au point de t’empêcher de dormir, et quand tu trouvais le sommeil, ce n’était que pour mieux tomber dans des cauchemars plus terribles que ce que ta conscience en éveil pouvait jusqu’alors imaginer ? Pourquoi t’infliger ces multiples scénarios à en perdre l’appétit, à te regarder des heures et des heures dans la glace, en scrutant ces yeux vairons dont tu simulais chaque nuance, de la stupeur à l’approbation en passant par la résignation ?

Emmanuelle frappa à la porte. Lui avait la main posée sur la poignée depuis quelques secondes déjà. Il l’avait guettée depuis sa fenêtre et l’avait vue marcher depuis les escaliers de la station de métro jusqu’au bas de son immeuble, traversant la petite place raide comme la justice, imperméable aux multiples passants qui se trouvaient en ce même endroit. Elle était grave. Et cela le confortait dans son choix. Lorsqu’elle avait franchi le seuil de la vieille bâtisse il avait quittait son poste d’observation pour venir se positionner face à la porte, tendant doucement sa main vers cette poignée, fixant de son regard le blanc délavé et écaillé de la peinture de cette entrée qui n’avait pas était refaite depuis un long moment, guettant les pas, sourds, lourds, dans les escaliers. Il ouvrit la porte, croisa le regard d’Emmanuelle, et la fit entrer sans même un mot de bienvenue.

Es-tu prêt, après ces milliers d’heures à rejouer cette petite réunion privée ? Te rappelles-tu de tout ce que tu dois lui dire ? L’ordre dans lequel agencer tes arguments ? Dois-tu briser la glace de suite, ou y aller en douceur ?

Elle alla s’asseoir à l’une des chaises de la cuisine sans même se retourner. Lui en fit alors de même. Il la regarda droit dans les yeux.

– Emmanuelle, commença-t-il avant un petit soupir. Une petite hésitation.

– Emmanuelle, reprit-il, la voix plus affirmée, tu vas devoir me tuer.

La manière forte alors.

Speedwriting #13 – Diving

She was wandering through the streets, unable to choose her way. She did not even know where she was coming from or what time it was. Well, it was full night and full moon, this at least she could tell. She tried to gaze at the stars, the way she used to do it at her mother’s friend’s house a long time ago, but she could not put a name on them. The more she concentrated and raised her head, the more she was feeling dizzy. Oh, that was not the way she was expecting things to turn. Back in the garden of her mother’s friend, during one of these hot summer nights, she knew everything. The name of stars, their position, which constellations they were a part of. She was curious of everything. She was 4 years old. She was brilliant. Why this ? Why that ? Why, why, why ? Always keeping asking questions, never stopping before getting the answers. Well, she was 4 years old. Brilliant mind obviously, but all the more irritating and tiring for the adults surrounding her ! Nothing worse than a child behaving like an adult. But she found people with enough patience to stand her and her stupid questions.

Now, they were all gone. The people, and the answers to her questions. She was left alone in this fucking miserable city. She felt so sick. She stopped and threw up on a bench. Luckily no one around to look at her decrepitude. What a shame ! She used to be so polite and behaving so well. She recomposed herself after a few minutes, at least finding enough energy to catch a glimpse at the bridge which was unveiled a few meters ahead of her. Watch your step my girl, you don’t want to fall, do you ? That was the crazy witch living everywhere but where exactly ? Whatever, you were sure to come upon her in every streets of the town. A witch ! Appearing in front of you, passing by, you returned and BOOM, she had vanished without even taking the time to add the fun of it, some superficial tricks, smoke, sparks, weird noises. Nothing. Perhaps she was running out of money ? Perhaps she was in her mind ? Or a collective hallucination ? Everybody was becoming a fool in this city in any case.

Bridge. Stop. She climbs upon the south edge. She could jump. That could not be so bad after all. Could it ? Hey, what are you doing ? You want to jump ? It’s a 8 meters free fall to the river. Are you kidding me ? Not only you are a coward but you seem utterly stupid. Shut the fuck up ! Never mind… Well they were right. You are looking forward to a huge spot, and it’s not so high a bridge after all. Quite disappointing. She should look after another one more convenient to perform her positions. A little voice now. Hey !! And what about me ? That was Meemee, her cat ! You go and you don’t even care to leave me food and milk ! What kind of pet am I for you to despise me so much ! I am not a wild beast you know. I don’t know how to look for food. I tried to catch a little bird the other time. I almost fell off the roof ! I am so scared now. Even other cats are making fun of me ! As if my nickname was not enough… You can’t leave me. Oh please, don’t try to make me feel guilty now !! She was on the verge of a nervous breakdown !!! It is just a fucking diving platform. Another hot summer. She wanted to cool a little bit and take the gold home !

Speedwriting #12 – Festival de Cannes : la Star

Speedwriting d’actualité en ces temps de festivités cannoises :

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Il est de bon ton d’arriver avec plusieurs minutes de retard par rapport au planning initié. La star n’aime pas attendre, mais toute star qui se respecte un tant soit peu sait se faire attendre. Attiser le désir, c’est tout un art dans lequel il faut savoir passer maître. Faire languir les photographes, les journalistes, toute cette presse people, ces groupies qui se pressent derrière les rambardes, elles même plaquées derrière des vigiles de deux mètres de haut au cou de taureau, faire languir donc, c’est avant tout une affaire de dosage. Ne pas arriver trop tôt pour faire monter le désir, ne pas arriver trop tard de peur de voir la frustration prendre le pas sur le plaisir naissant. Trouver le bon compromis, voilà la principale tâche de la star durant les festivités. Nous, pauvres acteurs lambda, qui ne sommes pas astreints à tant de devoirs, ne mesurons pas notre chance. D’autant plus que le compromis désir – frustration né de l’impatience n’est pas le seul que la star doit savoir gérer. Il y a aussi le fameux compromis, être sexy mais ne pas tout montrer, créer le scandale sans paraître trop offensante (sauf pour la star déchue, ambassadrice de marques de cosmétiques qui se doit de jouer la provocation et le tout pour le tout puisqu’elle n’a rien à perdre). Tout est calculé, planifié, scènes après scènes, gestes après gestes, mots après mots, moues après moues. Si l’on pouvait se glisser dans l’intimité de la star dans les journées qui précèdent la montée des marches, on verrait s’affairer autour d’elle toute une ruche, composée de maquilleurs, coiffeurs, costumiers,  fleuristes, agents, cireurs de pompes, producteurs, réalisateurs, amants, maîtresses, journalistes incognito, has-beens, cuisiniers, décorateurs, dentistes, chirurgiens esthétiques, pédiatres, vétérinaires, bébés adoptifs, chihuahuas de poche, dentiers plus blanc que blanc, poches de silicone 90D, tweets, facebook, storyboarders. Le story-boarder est là pour évaluer case après case toute la marche à suivre – du débarquement depuis la limousine jusqu’aux plus hauts sommets des marches. Et entre ces deux extrêmes, c’est toute une machinerie bien huilée qui prend vie sous le coup de crayon du story-boarder, aussi déterministe sur le papier qu’elle apparaîtra spontanée aux yeux de tous les novices. La vie d’une star se doit d’être un film permanent. Le plus important dans la journée d’une star, ce n’est pas tant les 2 heures de projection au public forcément restreint d’une salle obscure que les 22 heures de projection au monde entier. Elle est là pour vendre du rêve et du scandale. Et quoi de mieux qu’une montée des marches savamment orchestrée, quoi de mieux que ce vecteur de communication qui amplifie les moindres faits et gestes de la star,  pour vendre le rêve, pour vendre le scandale. Les moindres œillades, grimaces, clignements d’yeux, remontages de décolletés, pauses, sourires, pauses, pas chassées, pauses, triples salto, pause, un sein qui se dérobe et prend l’air, robes fendues jusqu’aux hanches et cambrements feront les choux gras de la presse et le ravissement de la star qui aura la satisfaction d’avoir joué son rôle à la perfection.

Speedwriting #11 – number three

Les précédents épisodes ici et ici.

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Oh my ! Oh my ! Well, surely you could not have surprised me at that moment proffering these sounds out loud, for it would have been the most stupid thing to do. However, deep inside my mind, indeed deep inside my brain, I think my neurons were releasing as many electrical signals as they could so that once the threshold would be matched, I could not help but tell these two words. I was fighting against myself, and it was hard to do so in her presence. I did not know why, but even if her behaviour seemed completely harmless, I felt there was more than meets the eye. A stranger looking at both of us would have found our pair rather funny. I was following her, and rather than walking with her, I looked like a poor soul wandering, a few steps behind Miss Ana. She noticed that of course, but she did not seem to mind it at all for the first minutes or so, for perhaps she was also pondering what was going on and if she had done the right thing. As I was about to become restless, she stopped in front of a large building and looking at me, offered me to step in first. As I did so, I met her eyes, and though I wished it, I unfortunately could not read her mind.

Where she had drove me was in fact an immense pub, whose dimensions I did not dare to guess. Since I looked bemused and lost, Miss Ana told me that these pub was perhaps the most famous of the city, and by far the bigger. Two floors stood above us and Miss Ana had the intention to go up there. The staircase was very steep and I watched my steps cautiously. As soon as we arrived at the top of the pub, I noticed that Miss Ana was far from being a stranger in this place. She waved to a girl pouring beers after beers and the girl waved back.

“This is Helen, an old friend of mine” Miss Ana told me as we were heading towards her. I nodded a little. Helen was still pouring some glasses and at the same time indicated a table for Miss Ana and myself. The crowd was perhaps less dense than on the other floors, and yet, I had the impression that the two seats had been reserved especially for us. I became all the more convinced of that fact when, as we seated at our table, I looked around me and saw that we were kind of protected from the other clients, a little wall coming across the main place lessening the voices and the hypothetical curious.

It is the moment that I choose to comment on her odd choice : “ Well, Miss Ana, that is very kind of you to take me to this little tour of yours, and I must say that the place you choose is the most unexpected”. Miss Ana let out a little laugh : “Quite unexpected indeed. I am pretty sure you would not suspect me wandering in a pub like this. Well, to tell you the truth, I don’t have lots of occasions to come here. But as a matter of fact, when I was a student, this was the place were I found myself gathering with my friends, chatting and relaxing among my peers. Yeah…relaxing, even with that big noise !”

“Well, I do not know if I wish I had this kind of place back in my city, but I am pretty sure such a place will never exist anyway”.

Miss Ana seemed to be surprised by my remark and added :

“Really ? And why so ? Is it a political matter ?”

I found myself at unease with the tour the conversation was heading into :

“Politics ? No, I don’t think so. You know, we are in fact very open minded. Much more than you could think. But it is just not in our culture I guess.”

“You are right. I mean, I hope I haven’t offended you. It was not at all my intention”.

“Don’t worry. You haven’t. Your remark was sensible. I am aware of lots of cities and countries where alcohol and big gatherings are completely forbidden. We are just lucky that it is not the case for us. For both of us.”

Miss Ana did not respond for a few seconds, seemingly lost in her thoughts. Then she exclaimed quite abruptly :

“Really, I am glad you accepted my invitation. You see, I know you would not expect that. But I think it is indeed really important for our job. See, in a few minutes, we have already talk about secrets from my student life and some political, or rather non-political facts. That is why I took the liberty to talk about it to Mr Christopher a few weeks ago already. I thought he would not be too much into it, but to my surprise, he accepted it joyfully. So I plainly understand your hesitations”.

There she paused a little, and as I was about to tell something, she waved to Helen who had finished her job with other clients.

“Would you like a beer ? Or something else” Miss Ana told me ?

“Well, you are the expert here Miss Ana. Give me whatever is worth it as long as I can still manage to survive the afternoon tour.”

Miss Ana seemed rather glad with my response.

“Two beers then” and indicated with her right hand the two beers to be ordered.

And then, rather mysteriously, she said :

“This beer won’t do you any harm, trust me. And as you said before, the danger would just be to mix things up, which won’t be the case here.”

Oh my, oh my…

Speedwriting #10 – number two

Voici ci-dessous la suite directe du premier english speedwriting. Toujours en anglais bien sûr 🙂

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“Would you mind if I took you on a tour of the city ?” I must have been startled a little by her question, and I said nothing – in fact, I didn’t know what I should say and did not have a clue – so, she continued, feeling the awkwardness of the situation, but nonetheless determined :”In fact, I am quite hungry ! And I know a very sweet pub not so far away from here, very calm. And I assure you, they have the best beers ever”. I knew of course that I could not stay this way, looking stupidly at her without saying anything so I tried to keep my calm, and thinking hard, I said:”Well, that is very kind of you, really, very kind. But, maybe it is not of our best interest to mix things up”. As I was about to continue arguing, she raised her hand in order to stop me from saying anything else, laughed a little, and added further: “Oh come on. I know the rules. And I know I am puzzling you. But really, it won’t do any harm, neither for you nor for me. I assure you. And it has to be this way in a few days. So why not starting now ? The truth is that I have already spoken to Christopher and he is okay with that. Besides, for how long have you been here ? One week ? I am not so sure you’ve had the time to explore the city and discover its best places” There, she paused a little to regain her breath.

I suppose that you must be wondering why I was so puzzled in the first place by her question which was quite harmless in its own way, and even rather gentle. Well, it is maybe a little complicated to understand exactly the source of my anxiety at this moment – the sentiment of relief had not lasted unfortunately – but be sure that by talking about mixing things up, I was not at all talking about things which could be taken for a date or sex or anything of that sort. The thing is that I had been instructed, long before my leaving my dear city, that I had to strictly follow the rules, no matter what  I should feel, and to act against them should be an act of very last measure. Well, I know it is not quite clear yet. Let me explain further. Socializing with these people once I will be there was the objective set by myself among others and it was my duty to follow it. And if not socializing, how should be qualified the proposal of Miss Ana? How stupid would I be to refuse such a nice consideration from her part, taking on her own time, and I am pretty sure it was jolly busy. What the hell could refrain me and even shock me a little ? Well, firstly, it is the way she put her question, so directly. Even if the meeting had gone quite well and lots of interesting things had been disclosed, everyone  of us had been very polite, talking in due time, showing the greater respect to what the others had to say, even if they disagreed. And above all, the whole thing had been conducted quite like a ceremony. A ceremony which had its own rules. Perhaps implicit, but it didn’t matter since everyone knew them and was following them accordingly. Even if not part of the meeting, or should I say, because it was not part of the meeting, this rather direct question seemed quite inappropriate. And secondly, Miss Ana was not at all the same standard as me. We were not fighting in the same category. That was obvious and made clear to me long before I went to meet her for the first time.

But here I was, confused, lost, with Miss Ana staring right into my eyes, right through me, waiting for my answer. Perhaps it was all part of the plan, of their plan, to test me, to see if I had been enough instructed. I had made my best to not appear as a joke to them, and I am pretty sure I had succeeded, but it was clearly not sufficient for them. They had to go further with me, and only when they would be one hundred per cent sure, they would give me a try.

I was still not saying a word, and by doing so, I knew that I was making a fool of myself. Maybe she knew what was happening, maybe not, but the fact that she started to stare at the harbour rather than at me for a few seconds gave me the occasion to regain my composure and think again the whole problem. For indeed, that was not a question, that was a problem set to me, and a very tricky one. So, I coughed a little to clear my voice, and provided her with as best an answer as I could : “Miss Ana, that is indeed very kind of you. I must admit that since arriving here, I was not really able to take a decent view of the town. And I am really looking forward to socializing further with every one of you. But I am pretty sure you are having the tightest schedule of us all, and I would not like to abuse of your hospitality.” I was about to talk about the rules, to say something maybe as meaningless as “The rules !”, purely rhetorical, but just to make it perfectly clear that I knew the conventions and intended to follow them. But there she stopped me again abruptly, looking at me :”Come on, taking you on a tour is part of my schedule. And I think it is rather a funny one. So, you could not make me happier really.” Everything in her was again scrutinizing me, or so I felt. It was very hard to be put under such pressure. I could no longer bear it. So I told her:”Okay, then, I would not like to upset you, less than anything else”.

She seemed as happy as a young girl which would have been given the toy of her dreams as an unexpected present. And rather loudly, she declared :”Perfect then ! Let’s take a ride !”

Speedwriting #9 – number one

Comme le laisse entendre le titre de ce billet, je publie ici mon premier speedwriting intégralement rédigé en langue anglaise. Depuis quelque temps, je prends de plus en plus de plaisir à écrire en anglais et surtout à me sentir à l’aise et en confiance. Je n’ai bien sûr pas la fluidité ou la richesse de vocabulaire que je peux atteindre en rédigeant en français, cependant, j’ai découvert que ma manière d’écrire en anglais me conduisait à exprimer les choses différemment. J’ai trop la flemme ce soir de développer plus en avant mais je reviendrai dessus promis !

En attendant, voici le texte que j’ai écrit ce soir :

I cast a glance behind my back to look at the people surrounding me, or rather, the lack of them! I must admit that I was fully aware of my walking alone in those foggy streets for a long time now. As much as I can remember, I had once been not far away from what was once called the Devil Shire Street. The name sounded completely childish to me, but of course, I did not dare at the time to raise   such remarks for I did not wish to appear pretentious to the men and women who had kindly invited me and offered me their protection.  I knew that there would always be a gap between me and them, but I was determined to hide it as much as possible, and I also knew that it was of the utmost importance to let them think that I considered myself not so different from them. Even if it was not exactly a question of “life and death”, I took it all the more seriously that back where I came from, my reputation would be judged based on my acting of those long months.

Devil Shire Street. I merely kept this serious behaviour of me when I heard it from their mouths for the first time whereas I could as easily have made jokes and fun of them. They, on the contrary, even if they did not fear to talk to me about it, especially of all the awful deeds that always happened there, they had this strain which could be felt both from the look on their faces and in the sound of their voices. Anyway, that first morning when the matter was raised in our first meeting, I was very grateful to them to unveil the subject once and for all, for what I feared the most was they being too afraid to make the first step and be as objective as one should be in this whole subject.

This very first meeting was, by every means, a great success, considering the two main criteria that I wished to see fulfilled. On the one hand, that I did not make a fool of myself at that moment. On the other hand, that our talk was sensible and pertinent. I remember that when Mr. Christopher put an end to our discussions, I felt relieved and I could sense that the other members of our little committee felt the same. But what made that first reunion such a great success in my view and worth all the troubles that I had gone through was the presence of Miss Ana and of Mr. Tao. I will go back to them later, but let me just say that I knew from that very first moment when they talk to me that I could count on them and trust them in every matter which could arise sooner or later. Mr. Tao was just in front of me at that little table during the whole meeting and as for Miss Ana, she was as close to me as she could for she was seated at my left. I could already foresee a special connection between these two characters, something in their inner self which could not be understand and shared by the other members of the meeting. I am not even sure that they could perceive it. I, for one, came from the outer world if I can call it like that. I was therefore a stranger, a drawback in lots of things, but also an advantage because I had this very receptive characteristic which allowed me to look at things completely differently. But I am digressing. What I would like you to know is that for this first meeting to go so well came as a surprise to me.

And what came as another surprise was this moment just after the meeting, as I was gazing at the boats from the harbour nearby, when Miss Ana came next to me, sighed a little, perhaps to show me that she too felt relaxed after this first encounter, and asked me the most unexpected thing given the current situation…