Speedwriting #12 – Festival de Cannes : la Star

Speedwriting d’actualité en ces temps de festivités cannoises :

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Il est de bon ton d’arriver avec plusieurs minutes de retard par rapport au planning initié. La star n’aime pas attendre, mais toute star qui se respecte un tant soit peu sait se faire attendre. Attiser le désir, c’est tout un art dans lequel il faut savoir passer maître. Faire languir les photographes, les journalistes, toute cette presse people, ces groupies qui se pressent derrière les rambardes, elles même plaquées derrière des vigiles de deux mètres de haut au cou de taureau, faire languir donc, c’est avant tout une affaire de dosage. Ne pas arriver trop tôt pour faire monter le désir, ne pas arriver trop tard de peur de voir la frustration prendre le pas sur le plaisir naissant. Trouver le bon compromis, voilà la principale tâche de la star durant les festivités. Nous, pauvres acteurs lambda, qui ne sommes pas astreints à tant de devoirs, ne mesurons pas notre chance. D’autant plus que le compromis désir – frustration né de l’impatience n’est pas le seul que la star doit savoir gérer. Il y a aussi le fameux compromis, être sexy mais ne pas tout montrer, créer le scandale sans paraître trop offensante (sauf pour la star déchue, ambassadrice de marques de cosmétiques qui se doit de jouer la provocation et le tout pour le tout puisqu’elle n’a rien à perdre). Tout est calculé, planifié, scènes après scènes, gestes après gestes, mots après mots, moues après moues. Si l’on pouvait se glisser dans l’intimité de la star dans les journées qui précèdent la montée des marches, on verrait s’affairer autour d’elle toute une ruche, composée de maquilleurs, coiffeurs, costumiers,  fleuristes, agents, cireurs de pompes, producteurs, réalisateurs, amants, maîtresses, journalistes incognito, has-beens, cuisiniers, décorateurs, dentistes, chirurgiens esthétiques, pédiatres, vétérinaires, bébés adoptifs, chihuahuas de poche, dentiers plus blanc que blanc, poches de silicone 90D, tweets, facebook, storyboarders. Le story-boarder est là pour évaluer case après case toute la marche à suivre – du débarquement depuis la limousine jusqu’aux plus hauts sommets des marches. Et entre ces deux extrêmes, c’est toute une machinerie bien huilée qui prend vie sous le coup de crayon du story-boarder, aussi déterministe sur le papier qu’elle apparaîtra spontanée aux yeux de tous les novices. La vie d’une star se doit d’être un film permanent. Le plus important dans la journée d’une star, ce n’est pas tant les 2 heures de projection au public forcément restreint d’une salle obscure que les 22 heures de projection au monde entier. Elle est là pour vendre du rêve et du scandale. Et quoi de mieux qu’une montée des marches savamment orchestrée, quoi de mieux que ce vecteur de communication qui amplifie les moindres faits et gestes de la star,  pour vendre le rêve, pour vendre le scandale. Les moindres œillades, grimaces, clignements d’yeux, remontages de décolletés, pauses, sourires, pauses, pas chassées, pauses, triples salto, pause, un sein qui se dérobe et prend l’air, robes fendues jusqu’aux hanches et cambrements feront les choux gras de la presse et le ravissement de la star qui aura la satisfaction d’avoir joué son rôle à la perfection.

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